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La responsabilité partagée

Comme nous l’avons compris dans le chapitre sur le paradoxe de la motivation intrinsèque, celle-ci est certes très utile dans l’effet de mobilisation que peut avoir le travail sur une personne, mais elle ne peut cependant être de la responsabilité de l’entreprise ni de son management.

L’attirance et la motivation que l’on porte à certaines activités sont étroitement liées au tempérament et à l’éducation de chacun. La recherche de cette motivation intrinsèque est donc de la responsabilité exclusive du collaborateur.

La motivation extrinsèque, et plus particulièrement la stimulation, sont quant à elles d’une part importante liées à l'environnement et au type de management proposé par l’entreprise. Cette responsabilité est donc en partie de la responsabilité de l’organisation.

Au-delà des aspects intrinsèques et extrinsèques de la motivation, c’est bien d’autodétermination qu’il s’agit. La possibilité qui est donnée à chacun de prendre ses responsabilités et d’en assumer les conséquences.

Sur ce sujet, qui s’apparente au partage des responsabilités, le modèle MMS s’intéresse plus à l’idée de la responsabilité partagée. Cela sous-tend que l’erreur ou la réussite d’un membre d’une équipe est à porter au crédit de l’équipe tout entière.  C’est ici encore l’idée que l’équipe est au cœur du modèle est qu’il faut la considérer comme une entité à part entière. Chacun de ses membres partage les responsabilités avec ses coéquipiers, et en recueille les victoires tout comme les défaites.

Cette vision de l’équipe modifie aussi grandement le mode de management, puisque le manager n’a plus à considérer les individus de son équipe comme des éléments indépendants, mais bien comme les parties d’un tout auxquels ils appartiennent. Son travail de management sera de s’assurer de l’équilibre et de la cohésion de ce système organisé, indépendant et autonome.

Comme j’aime à le dire : l’équipe est un être vivant, ayant sa nature, ses forces et sa personnalité propres. En modifier la structure ou l’organisation, c’est en modifier la substance et les aptitudes.

Le départ d’un équipier doit être vécu comme la perte d’un membre, et l’arrivée d’un nouveau comme une greffe.

Cette analogie est fondamentale. Elle a des répercussions à plusieurs niveaux.

En premier lieu, les collaborateurs ne sont plus évalués individuellement. Le manager évalue le travail d’une équipe, et c’est à l’équipe à trouver les solutions parmi ses membres. Tant dans les comportements, les modes d’organisation, que dans les compétences utiles, les rôles et les fonctions de chacun.

Au lieu de créer une certaine confiance entre les individus, l’évaluation individuelle de la performance s’inscrirait en porte à faux par rapport à l’idéal communautaire (Tönnies, 1922, cité par Boussard, 2009), renforçant de facto les mécanismes de contrôle du travail(leur). Ainsi, il est important de noter que la somme des performances individuelles n’est pas révélatrice de la performance collective. Par exemple, une équipe d’individus extrêmement « performants » de manière individuelle, peut couramment afficher une performance collective décevante.1

En second lieu, les incentives ne sont plus distribués à une personne, mais bien à une équipe. En fonction de sa valeur, il servira à toute l’équipe ou sera redistribué à l’un ou l’autre suivant une décision interne et sociocratique.

Enfin, les promotions à des titres de manager ne seront plus décernées par le management mais bien discutées au sein de l’équipe suivant la proposition de l’organisation. Il ne s’agira pas d’empêcher une personne d’acquérir un nouveau statut, mais bien de s’assurer que l’ensemble de l’équipe est en capacité de gérer la perte d’un membre, ou encore, de voir l’un de ses membres prendre une position hiérarchique différente. Ce consensus est indispensable pour le maintien de l’équilibre social et politique au sein du groupe élargi.

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    NILS, F., TASKIN, L., & BOUCHAT, P. - L’évaluation de la performance Rapport théorique — UCL – Institut des Sciences du Travail & Louvain School of Management Research Institute - 2013