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L’engagement

Ce troisième niveau est souvent présenté comme le graal pour les entreprises. C’est le niveau ultime. Les employés engagés sont loyaux, volontaires, dynamiques. Ils ne craignent pas les difficultés car ils ne se battent pas pour eux-mêmes, ils se battent pour une idée, pour une ambition, pour une entreprise … !

Il faudrait peut-être se mettre d’accord sur l’usage du mot « engagement ». Quelqu’un qui s’engage, c’est quelqu’un qui « met en gage », littéralement. Cela signifie qu’il engage une partie de lui-même, avec de l’argent, du matériel, du temps, ou encore avec une expertise, une spécialité. En tous les cas, il dépasse le cadre officiel de son contrat, dans l’espoir d’une rétribution autre que le salaire, qu’elle soit en participation financière, ou plus communément morale ou éthique. Il y a donc une notion de durée qui vient s’ajouter à l’équation. On ne cherche pas un retour sur investissement rapide, on accepte un délai de rétribution. Mais attention : on attend et on exige tout de même une rétribution.

Selon le modèle de Allen et Meyer (1991), il existe trois types d’engagement :

  1. L’engagement de continuité, lorsque l’employé est engagé malgré lui à rester au sein de l’entreprise parce qu’il n’est pas certain de trouver un emploi ailleurs.
  2. L’engagement affectif, lorsque l’employé développe un attachement fondé sur l'adhésion aux valeurs et aux objectifs de l’entreprise.
  3. L’engagement normatif, lorsque l’employé reste dans l’entreprise parce qu’il se sent redevable vis-à-vis d’elle.

Le cadre qui est défendu ici est celui « qui a émergé vers la fin des années ‘70 avec les travaux de Mowday et al. (1979). Pour ces derniers, l’engagement organisationnel traduit l’acceptation et la croyance aux objectifs et valeurs d’une organisation, la volonté de travailler à leur accomplissement et le désir de demeurer membre de cette organisation. En clair, ces auteurs se sont focalisés beaucoup plus sur l’aspect affectif de la relation entre un individu et son organisation. 1

L'engagement désigne la plupart du temps un état psychologique dans lequel l'employé s'identifie fortement à l’entreprise :

  1. La fierté (fierté d'appartenance et identification) : Je m'identifie aux valeurs de l’entreprise, je suis fier d'y travailler, je suis prêt à recommander mon entreprise à mes amis.
  2. L’attachement (attachement à mon équipe de travail, à mon manager et confiance) : Je me sens solidaire des collègues avec lesquels je travaille, je me sens redevable envers mon manager direct.
  3. Envie de faire (intérêt pour le poste, énergie pour travailler) : Les objectifs de mon poste me stimulent, en ce moment, je viens travailler avec entrain. 2

Il n’y a pas de doute que, à ce niveau de mobilisation, les collaborateurs sont investis par leur travail (et pas seulement *dans* leur travail). Ils font ce qu’ils font parce que ce travail porte des valeurs importantes et partagées par la société.

C’est ce que l’on peut retrouver dans les hôpitaux, ou chez les pompiers, mais aussi dans les ONG, dans la défense de la vie sous toutes ses formes.

À ce niveau, les difficultés financières sont secondaires. On se débrouille avec ce qu’on a, on ne s’arrête pas aux premières difficultés. Le service aux valeurs est plus important que soi-même.

C’est ici par exemple que l’on voit la limite du modèle de Maslow. Le besoin d’accomplissement peut exister même si le besoin de sécurité n’est pas atteint.

Quand les activistes de Sea Shepherd montent à l’assaut d’un baleinier japonais, et qu’ils sont repoussés par des trombes d’eau au milieu du pacifique, ce n’est pas la sécurité personnelle qui mène l’action, mais bien la certitude que la vie des cétacés est plus importante que des traditions archaïques.

Ce niveau de mobilisation se gère par le leadership. Il faut une vision partagée et une confiance solide pour accepter de donner autant de sa personne dans un travail, ou plus encore, dans une œuvre commune.


Ce niveau de mobilisation est considéré comme l’objectif ultime des managers, qui y voient une sorte de finalité dans leur rôle de manager.

C’est pourtant un leurre. La gestion d’un tel niveau de mobilisation est très compliquée, et même casse-gueule.

L’engagement dans l’action demande souvent des ressources et du temps que la réalité économique ne peut satisfaire. Et dans les moments de crise, cette frustration peut engendrer des « collapses » irrécupérables, tant pour les employés que pour l’entreprise.

Nous le verrons dans un prochain chapitre. Si ce niveau permet de réaliser des choses incroyables, l’entreprise doit être capable de fournir le cadre et les moyens à ses collaborateurs. Et c’est souvent là que les difficultés commencent.

  • 1

    Vigan Fanou Arsène, « Peut-on parler d’engagement affectif et d’engagement calculé chez les agents publics africains ? », Gestion et management public, 2017/4 (Volume 6 / n° 2), p. 89-105. DOI : 10.3917/gmp.062.0089. URL : https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2017-4-page-89.htm

  • 2

    John P. Meyer et Natalie J. Allen, « A Three-Component Conceptualization of Organizational Commitment », Human Resource Management Review, 1991, vol. 1, p. 61