Pas besoin de réfléchir bien longtemps pour se rendre compte que les émotions ont un lien fort avec la motivation. Ce fut d’ailleurs une des premières conclusions de nos deux publicitaires Cheskin et Dichter. Mais quels sont leurs rôles dans le développement de la motivation ?
Il faut commencer par distinguer les émotions des sentiments. Cela peut paraître simple en théorie, mais dans la réalité la distinction est beaucoup plus complexe. Cela pourrait d’ailleurs avoir un lien avec notre vocabulaire qui est trop pauvre pour décrire toutes les subtilités de ce domaine de recherche.
Dans le sens porté par Paul Ekman, les émotions sont des états mentaux spécifiques, qui se caractérisent par un déclenchement rapide, une durée limitée et un surgissement involontaire. Les sentiments quant à eux, se construisent sur la durée et sont perçus consciemment, ce qui n’est pas toujours le cas des émotions.
Paul Griffiths distingue deux types d’émotions : les émotions primaires, liées à notre statut animal (affect program), et les émotions plus complexes, liées à notre environnement culturel (Higher cognitive emotions).
On sent bien qu’il y a une forme de continuum entre la réaction émotionnelle réflexe et animale, et le ressenti profond et durable. Et le diviser en séquences paraît très arbitraire.
Ce qui est certain, c’est que les émotions agissent comme des indicateurs d’une situation à considérer, une alerte qui active notre attention, un signal qui nous indique que nous devons réévaluer la pertinence de nos choix. Damasio a démontré le lien entre les émotions et la qualité des choix que nous pouvons prendre. Dans son livre « l’erreur de Descartes », il présente le travail de ses recherches sur un patient qui réalisait des choix incohérents et même souvent désavantageux pour lui-même. Les expériences ont montré que son esprit logique fonctionnait parfaitement, sa rationalité et sa mémoire à court terme n’étaient pas affectées par des lésions présentes sur son cerveau. Par contre, il ne ressentait aucune émotion. Il était capable de comprendre une situation, de comprendre la réaction d’un individu, mais pas d’en ressentir émotionnellement les effets. Ni empathie, ni sympathie : aucun affect.
Cette découverte a été démontrée à de nombreuses reprises par d’autres expériences. Cela confirme que nos décisions et nos choix sont intimement liés à nos émotions.
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Pendant longtemps, les recherches se sont orientées vers la forme motivationnelle des émotions négatives, comme la peur et la culpabilité. Ce n’est pas pour rien que l’une des techniques de vente les plus efficaces est l’offre de prix limitée dans le temps. La peur de rater une occasion est souvent plus forte que la raison.
FOMO : Fear Of Missing Out est une sorte d'anxiété sociale caractérisée par la peur constante de manquer une nouvelle importante, de rater une occasion d'interagir socialement. C’est pour cela qu’il y a des petites pastilles rouges sur les icônes de nos smartphones, c’est pour aiguiser notre curiosité au point de la transformer en anxiété.
En 1979, Daniel Kahneman et Amos Tversky, spécialiste en économie comportementale, développent le concept d’aversion à la perte. Ce concept fait partie des nombreux biais cognitifs qui viennent perturber notre rationalité lorsque nous devons faire un choix et prendre une décision. Ils ont démontré que nous sommes toujours plus affectés par la perte d’une valeur que par le gain. Et cela nous joue des tours lorsque nous prenons une décision qui implique une perte. Car même si le gain peut s’avérer supérieur, notre aversion à la perte nous pousse à rejeter la solution qui nous aurait été favorable pour éviter la douleur de la perte, même insignifiante.
Il est fort probable que cette aversion à la perte soit directement liée à notre programmation génétique primaire. Lorsque tout est rare, nous veillons à ne rien perdre. Le risque est toujours plus important lorsqu’on ne sait pas ce qui arrivera demain. C’est sans doute ce qui pousse certaines personnes ayant vécu la guerre, ou étant en situation de précarité, à garder des choses qui nous paraissent inutiles.
C’est aussi pour cette raison qu’il est préférable d’annoncer toutes les mauvaises nouvelles en même temps, et de répartir les bonnes nouvelles en plusieurs occasions. L’effet de répétition joue en faveur des émotions positives.