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Des émotions aux sentiments

Comme nous l’avons vu, le marketing adore les émotions. Ils en usent et en abusent parfois … souvent. Et de préférence, les émotions primaires, celles qui sont impossibles à contrôler.

Le management s’est lui aussi appuyé sur la force des émotions primaires. La peur avec Taylor, et le plaisir avec Tony Robbins. C’est ce que j’appelle la motivation cortisol pour la peur et la motivation dopamine pour le plaisir1.

Ces deux types de motivations ont des effets sur la prise de décision. Que ce soit par la peur de perdre son emploi ou par l’enthousiasme d’un nouveau projet, ces motivations vont influencer le choix dans la direction désirée par le manager.

Mais les émotions sont de courte durée, et si elles ont un effet disruptif sur le traitement rationnel de l’information, elles disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues.

C’est d’ailleurs souvent le sentiment que l’on ressent au lendemain d’un spectacle de motivation de foule. Si la montée d’adrénaline a été à son paroxysme, si la dopamine a coulé à flot, au réveil, tout reste à faire. Et c’est dans un tout autre type de motivation qu’il va falloir puiser. Dans ce cas, c’est ce que j’appelle la motivation sérotonine.

Connaissez-vous le test du marshmallow ?

Placez un enfant dans une pièce avec devant lui un marshmallow. Proposez-lui d’attendre seul quelques instants sans le manger. S'il résiste, il en recevra deux autres guimauves comme récompense.

Les études ont montré que la zone fortement activée chez les moins résistants est le striatum.2

Le striatum, structure cérébrale profonde [...] est un élément clé dans le traitement de l’impulsivité décisionnelle. En effet, il constitue la principale cible de la dopamine, connue pour être un modulateur de l’impulsivité.3

Une étude4 récente tente à prouver que la sérotonine a des effets qui s’opposent à l’addiction provoquée par une constance de la dopamine au niveau du striatum.

Concrètement, la dopamine déclenche un phénomène de plasticité synaptique, au travers du renforcement des connexions entre les synapses du cortex et celles du striatum dorsal. Cette stimulation intense du système de la récompense déclenche la compulsion. La sérotonine a l’effet inverse en inhibant le renforcement induit par la dopamine pour garder le système de la récompense sous contrôle.5

La motivation sérotonine est à l’épicurisme ce que la motivation dopamine est à l’hédonisme : maîtriser son désir insatiable de récompense et de plaisir.

Travailler sur la durée est un des objectifs phares du manager, tenir sur la distance est une obligation. Et ce n’est pas avec des grand-messes, des invectives ou des lasergames que l’on traite de la motivation de persistance.

Il faut activer les leviers de la collaboration et du partage dans le cadre du travail commun. Il faut créer un esprit d’équipe capable de se réorganiser en permanence, de s’adapter et surtout, de se faire confiance.

La motivation sérotonine n’est pas une technique en soi. C’est un point de vue, une considération qui doit être prise en compte dans la gestion des équipes, c’est l’idée que la motivation ne doit pas passer exclusivement par des émotions fortes. La motivation des équipes passe aussi et même plus souvent par des moments calmes, autour d’un verre, à réfléchir à son avenir, à imaginer et à créer.

Il faut savoir alterner les trois types de motivation en fonction du contexte et du moment. À trop forcer sur l’une ou l’autre de ces motivations, les équipes vont se fatiguer, s’irriter, ou même s’ennuyer. C’est dans l’alternance des émotions et des sentiments qu’il faut définir sa stratégie.

  • 1

    Cette dénomination n’est pas à prendre au sens scientifique. Il s’agit pour moi d’une appellation symbolique qui vulgarise un sujet complexe, et facilite sa compréhension.

  • 2

    Walter Mischel - The Marshmallow Test: Mastering Self-Control (2014) Hachette Book Group - p31

  • 3

    Eva Martinez. Le striatum, substrat dopaminergique de l’impulsivité décisionnelle. Neurosciences. Université de Lyon, 2019. Français. NNT : 2019LYSE1094

  • 4

    Comment la sérotonine freine l’addiction à la cocaïne - Université de Genève

  • 5

    Christian Lüscher, professeur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE