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Quel est le lien entre motivation et automatisation ?

Soumis par alain@vanderbeke.pro le

Quel âge avez-vous ? Quel âge aurez-vous en 2030 ? Serez-vous pensionné.e en 2050 ?

Ces questions vont fortement déterminer l’avenir de votre activité professionnelle. Car, qu’on le veuille ou non, les machines sont là pour nous remplacer.

 

Avant la pandémie, nombreux journaux annonçaient la disparition de 40 à 60% des emplois actuels1. On pouvait y compter les 20 métiers suivants2:

  •    Comptable
  •    Bibliothécaire / documentaliste
  •    Architecte
  •    Maçon
  •    Médecin spécialiste
  •    Avocat
  •    Gestionnaire immobilier
  •    Auditeur interne
  •    Conducteur de tramway et métro
  •    Psychiatre
  •    Courtier banque et assurance
  •    Juriste
  •    Économiste
  •    Écrivain
  •    Agent de police
  •    Coach sportif
  •    Développeur web
  •    Commis de cuisine
  •    Pêcheur
  •    Journaliste de presse écrite

Il y a fort à parier que le Covid et les changements de paradigme organisationnel aient donné un coup de boost à ces prédictions.

 

Tous les métiers sont touchés

 

Si l’on adore donner des listes et des pourcentages, c’est parce que cela attire le lecteur et améliore le référencement de Google. Mais dans la réalité, nous sommes bien incapable d’estimer le taux de remplacement des emplois par des machines et des ordinateurs.

 

Ce qui est certain, c’est que le remplacement est proche, et pourrait être beaucoup plus rapide et brutal qu’on ne l’avait imaginé.

 

Qu'est-ce qui facilite le transfert de compétence vers la machine ?

Les caractéristiques les plus évidentes sont:

  1.    Le travail est procédural (il ne demande pas de créativité et très peu d’adaptation),
  2.    Il y a suffisamment de monde qui réalise ce travail pour que sa mécanisation soit rentable,
  3.    … et puis c’est tout !

 

Et à la rétorque sur le besoin d'une réponse de plus en plus personnalisée pour des clients de plus en plus exigeants, je répondrais que seuls ses moyens financiers auront le dernier mot.

 

Car si 40% de la population perd son emploi et vit sur une allocation minimale, il est fort probable que la demande en solution « custom » ne soit l’apanage que des plus nantis.

 

De nombreux métiers sont déjà touchés ou visés par la mécanisation. Les premiers à être exposés sont tout naturellement les métiers manuels à faible variabilité - Caissier.e, Guichetier, conducteur, etc. Ces métiers qui ne demandent pas de diplôme semblent être en ligne de mire de ce changement.

 

Pourtant, il y a bien d’autres métiers qui sont déjà en voie d’extinction. Des métiers qui eux, demandent des études, et parfois des longues études. Des métiers qui ont même un accès à la profession. Dans la finance, dans la médecine, dans le droit, dans l’enseignement.

 

La seule raison pour laquelle ils existent encore, vient du peu de confiance que nous portons à cette technologie, encore trop "nouvelle" pour être correctement valorisée.

Mais cela ne devrait plus durer. Lorsque les générations de boomer et la génération X auront perdu leur domination financière, les générations Y et Z ne se poseront pas tant de questions sur la fiabilité de systèmes informatisés. Ils sont nés avec un ordinateur dans les mains. Le rapport à l’ordinateur est pour la génération Y, le même que celui de la voiture pour la génération X. Qui de moins de 50 ans, a encore le moindre doute sur la fiabilité d’une voiture ? Sur la fiabilité d’une boite de vitesse automatique ? Sur l’ordinateur de bord ?

 

Si aujourd’hui, il y a encore des pilotes dans les avions, c’est principalement parce que les études montrent que la confiance de la clientèle n’est pas encore suffisante. Mais combien de temps faudra-t-il attendre pour que cela change ? Lorsque les billets d’avion pourront être divisés par deux grâce à l’absence du personnel de cabine, la question ne se posera plus.

 

De nouveaux métiers apparaitront … ou pas !

 

Voilà bien une idée intéressante.

 

Il est vrai que pour le moment, il y a une forte pénurie de techniciens dans certains domaines, et plus particulièrement dans les domaines de l’informatique.

Il manque des programmeurs et des développeuses. Mais pour combien de temps ?

 

Car en dehors du fait que la main d’oeuvre est disponible à l’étranger pour un coût moindre, cette demande va tout naturellement diminuer lorsque les solutions informatiques auront été développées.

Aujourd’hui, si nous avons à ce point besoin de développeurs, c’est bien parce que nous sommes dans une phase de digitalisation forcée. Forcée par le marché, et forcée par les événements sanitaires.

 

Mais cette demande va se tarir elle aussi. Et pas seulement parce que la demande de solutions nouvelles va diminuer, mais aussi, tout simplement, parce que les ordinateurs sont dès à présent capables de développer eux-mêmes des solutions à leurs problèmes. Ils sont déjà capables de créer des puces électroniques plus performantes que celles que les humains ont développées jusqu’alors.

 

Et lorsque les ordinateurs seront capables de se réparer, de se reprogrammer, de s’optimiser, pourquoi auraient-ils encore besoin d’un humain ?

 

Alors oui, des nouveaux métiers devraient apparaître. Certains éphémères, le temps que la machine puisse intégrer leur fonction. D’autres plus stables, principalement liés à la gestion et à la maintenance ou à la protection de ces machines.

Parfois, il faudra être extrêmement intelligent et expert pour comprendre la machine, parfois il suffira de savoir connecter un câble pour répondre à la demande.

note : le deskilling3 est un mot inventé il y a peu pour exprimer ce phénomène.

En économie, le deskilling (la déqualification) est le processus par lequel la main-d'œuvre qualifiée dans une industrie ou une économie est éliminée par l'introduction de technologies exploitées par des travailleurs semi-ou non qualifiés.

 

En fin de compte, la balance ne sera pas en faveur de la création de nouveaux emplois.

Au bout du compte, il y aura une perte importante du nombre de postes disponibles, quelque soit le niveau d’étude.

 

C’est d’ailleurs une question importante pour les écoles et universités qui produisent depuis longtemps des jeunes adultes totalement inadaptés à un marché du travail qui évolue plus vite que les années d’étude d’un doctorat.

 

Une période de transition

 

Lorsque nous imaginons l’avenir, nous avons toujours un frisson qui vient nous chatouiller l’échine. Car cette vision de l’avenir semble tellement loin de notre réalité actuelle. Ce décalage est parfois effrayant qu’il nous fait croire à un mauvais présage.

 

Cet avenir n’est pas pour tout de suite. Il faudra encore quelques années pour que les machines aient récupéré la majorité de nos emplois. C’est d’ailleurs ce qui s’est toujours passé.

 

Il suffit pour cela de regarder notre présent et de faire la liste de tous les emplois qui sont réalisés par une machine.

  •    Dans les grandes surfaces, nous scannons nos articles nous-mêmes.
  •    Les car-cash lavent nos voitures automatiquement.
  •    Les animaux sont abattus à la chaine et partent à la découpe automatiquement.
  •    On trouve des distributeurs de boisson et de snacks dans tous les lieux publics.
  •    Tout comme les photo-matons.

 

Il y a une quantité incroyable de nouvelles machines qui ont pris la place de la main d’oeuvre humaine, sans que nous ne nous en apercevions.

Et cela n’a aucune raison de s’arrêter.

Car telle est la nature même de l’évolution. Elle tente tout ce qu’elle peut, et n’en survit que ce qui y trouve une utilité.

Note : il est amusant de remarquer comment le politique a envisager la taxation des robots. Toute la difficulté étant bien entendu de pouvoir définir un robot "moderne" sans y inclure un simple portique de sécurité.


Il est donc plus que probable que, d’ici quelques dizaines d’années, de manière tout à fait naturelle, nous soyons devenus moins utiles à la production de biens et de services.

 

Durant cette période de transition, il y aura des cris d’alerte, des sursauts de rébellions, la volonté de changer le cours des choses. Mais ce sera en pure perte. Car si il y a une place à prendre quelque part, l’évolution fera que cette espace sera rempli. Et il en est de même pour tout ce qui pousse vers l’automatisation et la mécanisation.

 

L’oiseau de mauvaise augure

 

J’avoue que secrètement, j’aime être traité de pessimiste. Cela me permet d’identifier assez rapidement le mode de pensée de mon interlocuteur.

 

Je ne considère pas que la diminution du travail est une mauvaise nouvelle. En aucun cas je ne considère que la mécanisation des emplois est une dystopie.

 

Comment pourrais-je considérer que le tracteur est une invention du diable, et qu’il est préférable de faire souffrir des chevaux de trait pour éviter la modernisation. Je ne me suis pas remis à la plume d’oie pour écrire mes litanies, tel un opposant à la surconsommation énergétique de mon site internet. Et je ne refuserai jamais l’anesthésie chez mon dentiste au nom de la sainte souffrance libératrice.

 

Rien de tout cela.

Ce que j’essaie de faire, c’est d’imaginer le futur, d’anticiper l’avenir.

Ce n’est qu’un travail de création, de réflexion. Un travail qui devrait être naturel pour beaucoup d’entre nous, et surtout pour tous les managers (voir les 6 talents du manager).

 

C’est un exercice qui permet d’envisager la complexité du système, en cherchant à comprendre ses rouages, et surtout, à imaginer les conséquences de ses transformations.

 

Je ne suis pas pessimiste lorsque je parles d’avenir. Mais je suis critique vis-à-vis de ceux qui se laissent porter par le système comme si, par magie, il leur proposera une place de choix.

 

Phronesis — Un optimisme modéré

 

La société change. Elle a toujours changé. Et il est naturel de croire qu’elle change plus vite au moment où on la vit que durant les autres périodes de son histoire.

 

Il y a pourtant fort à parier que l’arrivée du chemin de fer, ou les grands travaux de Paris sous Napoléon III ont été un bouleversement tout aussi expéditif que celui que nous pensons subir aujourd’hui. Nous n’avons pas le même esprit qu’en 1860. Nous n’avons pas la même culture. Nous n’avons pas la même connaissance.

 

L’histoire nous entraîne et nous ne sommes pas totalement maitre de notre destin.

Il y a des cygnes blancs et des cygnes noirs. Il y a des coups de chance et des coups de Trafalgar. Il y a des occasions manquées et des synchronicités inattendues.

 

Il y a tout de même une chose qui me questionne dans le "grand remplacement" de nos emplois : à quoi allons-nous servir ?

 

Car jusqu’à maintenant, c’est de notre utilité que nous percevons un salaire. Et c'est avec cet argent que nous pouvons valoriser l’utilité des autres. C’est notre travail qui paie le travail des autres.

Mais que se passera-t-il si nous ne gagnons plus d’argent par notre travail ? Si le manque d’emploi diminue notre capacité économique. Et donc par voie de conséquence, si les machines qui produisent deviennent inutiles ?

 

Et au delà de cette utilité économique, il y a une utilité sociale. Nous existons pour les autres parce que nous avons une identité individuelle. C'est cette identité qui est l’image de notre utilité au groupe, de notre participation au commun.

Sans emploi, nous devrons créer cette identité par d’autres moyens, dans un système sans le cadre stricte de l’entreprise. À quoi ressemblera notre lien aux autres ?

 

Un optimisme affirmé

 

Il y a un domaine qui est en train d’apparaitre et qui semble proposer une réponse très naturelle et très excitante à cette inexorable évolution de la société : c’est le …

 

Conclusion

 

L’avenir ne se combat pas, il s’accompagne. Il ne sert à rien de reprocher à l’un ou à l’autre ses choix égoïstes ou ses décisions anarchistes. Le système est un ensemble complexe qui évolue sans nous en demander la permission. Nous sommes toutes et tous acteurs de ce système. Et chacun d’entre nous, avec la force et l’énergie dont nous disposons, nous participons à son évolution.

 

N’oublions jamais que nous sommes des êtres empiriques. Nous ne réagissons que si nous sommes nous mêmes pris dans le mouvement. Et nous regardons avec étonnement et parfois avec agacement, celles et ceux qui ont la force d’agir pour créer ce mouvement.