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Comment le feedback participe à la motivation ?

Submitted by alain@vanderbeke.pro on

Le feedback est au coeur de la collaboration. Et son importance est reconnue depuis le début des études sur les modèles organisationnels. Issue de la cybernétique, la boucle de rétroaction est un classique en management.


Mais le feed-back est-il correctement interprété ? N’est-il pas confondu avec les signes de reconnaissance ? Et les signes de reconnaissance peuvent-ils être considérés comme des feed-backs ?


Chez MotivAtWork, nous aimons être clair sur le sens à donner au mots. Et si il y a une nuance à donner, c’est une occasion rêvée pour parler de ce sujet, central dans la vie de l’entreprise.


La boucle est-elle toujours positive ?


Le principe de la boucle de rétroaction est de répondre à une action par un effet sur cette même action. Puisque toute action provoque une réaction 1, pour qu’il y ai un effet de boucle, il faut que cette réaction ai un impact sur l’action initiale toujours en cours.


Dans le cas de la météorologie, « une boucle de rétroaction positive induit que toutes les rétroactions entre les différents chaînons conduisent à amplifier la perturbation, qui modifie l'équilibre entre les chaînons. Si la boucle de rétroaction est négative, c'est qu'elle tend à atténuer la perturbation 2. »


Dans le cas des jeux vidéo : « Une boucle de rétroaction positive est lorsqu’une action spécifique offre une rétroaction qui encourage le.la joueu.r.se à poursuivre cette action. Dans un jeu de stratégie comme Warcraft II 3, construire plus de paysans permet de collecter plus de ressources qui nous permettent de construire plus de paysans, et donc de collecter plus de ressources. C’est un bon exemple de rétroaction positive: collecter de l’or ou du bois nous permet de collecter plus d’or et plus de bois 4 » 5


En médecine : « Le maintien de la température du corps est un exemple de boucle de rétroaction négative. Lorsque la température du corps augmente, il y a des mécanismes qui s'enclenchent pour diminuer la température, et vice versa. » 6


Il est donc très important de considérer que l’aspect positif ou négatif n’est en rien une valeur « morale », mais bien une observation factuelle de l’amplification des effet d’une action ou de cette action elle-même.


Note : c’est un peu identique à l’erreur d’attribution lorsque l’on parle de motivation intrinsèque et extrinsèque 7.


Pour en revenir au monde du travail


En entreprise, un feedback a pour fonction de donner un appuis à l’action pour lui permettre de s’amplifier ou de se réduire, en fonction résultat qu’elle apporte, en lien avec les objectifs à atteindre.


Si la personne reçoit un feedback positif, elle sait que son action va dans le sens des objectifs qui lui sont assignés. Si le feedback reçu est négatif, elle comprend qu’elle doit atténuer, modifier ou stopper son action dont les outputs sont contre-productifs.


Ce qu’il faut bien comprendre de cette approche, c’est qu’elle n’implique en rien l’aspect émotionnel ou affectif de l’individu concerné. Le feedback a pour seul objet l’action, et la réaction qui en découle. C’est donc exclusivement l’aspect factuel qui est pris en compte.


Cette considération est bien souvent la cause de problèmes dans le partage de feedback. Ou plutôt, la non-considération de cet aspect fondamental.


Le feedback a trop souvent tendance à intégrer des aspects émotionnels et affectifs. Le feedback a généralement tendance à glisser vers le signe de reconnaissance.


Les strokes et le besoin d’appartenance


« Éric Berne définit un Signe de Reconnaissance (appelé aussi "caresse" ou "stroke") comme "tout acte impliquant la reconnaissance de la présence d'autrui " (Des jeux et des hommes, Stock). Le Signe de Reconnaissance est un message que j'envoie à l'autre pour lui signifier qu'il existe à mes yeux, qu'il est présent.» 8


Les signes de reconnaissances sont la nourriture de notre lien aux autres. Et notre besoin d’appartenance (identité sociale) est une nécessité vitale à notre survivance.


« Afin d’intégrer un groupe et ne pas en être exclu, l’individu peut renoncer à son autonomie et à son libre arbitre pour se conformer aux idées, aux valeurs et aux attentes de son groupe d’appartenance. Même si ce besoin est nécessaire à son développement, son émancipation et son évolution psychologique nécessitent qu’il apprenne à s’en détacher pour se forger un socle identitaire qui lui est propre.» 9


L’importance du besoin d’appartenance est un des éléments qui a contredit l’aspect hiérarchique de la pyramide de Maslow. Car pour certaines communautés, le besoin d’appartenance est plus important que le besoin de sécurité. Et ce fut le cas des soldats et des seigneurs qui partirent en croisades. Leur sécurité « vitale » (sur terre) était moins importante que l’expression de leurs croyances et leur appartenance à une culture et une religion. Dans le même esprit, la vie et la mort n'ont pas la même représentation symbolique en occident et en orient. Cela joue aussi en défaveur de l'aspect universel du travail de Maslow.
Mais il n'est pas certain que Maslow ai voulu prétendre cela ...

The Five Core Social Motives — Buc[k]et


 

Le besoin d’appartenance est aussi celui que Susan Fiske met au sommet de son modèle « the five core social motives »10.


Ce modèle qui se concentre exclusivement sur les aspects sociaux de l’être humain.

 

Les signes de reconnaissances sont des expressions de l’affect


Lorsque l’on donne un signe de reconnaissance, on touche à l’émotionnel, à l’affectif. Il aura donc tendance à influencer celui qui le reçoit en fonction de ses actes passés, pour augmenter son sentiment d’appartenance.


Le problème, c’est que cela peut totalement biaiser la qualité du travail et le niveau de performance.


Si, par exemple, un ouvrier accepte un mouvement de grève pour le simple fait de vouloir être accepté dans un groupe, l’influence sur sa performance sera évidente. Mais plus subtilement, il pourrait tout à fait modifier ses habitudes de travail pour le simple fait de plaire à la communauté à laquelle il veut appartenir. Et il est probable que ce changement d’habitude ai un impact sur la qualité de son travail, positif ou négatif. Seul le feedback nous le dira.


Les signes de reconnaissances sont très importants. Je vous en ai déjà parlé dans mon article sur le sentiment d’utilité 11. Il ne faut surtout pas les négliger.
Ils sont d’ailleurs au sommet du modèle motivation systémique.

Modèle Motivation Systémique


Modèle motivation systémique

 

Mais lorsque l’on parle de feedback, il faut se concentrer sur l’action, et donc sur les faits. Il faut éviter à tout pris d’y inclure de l’affect et de l’émotion.


Est-possible ?


En fait, en tant qu’être humain, c’est quasi impossible. Nous allons toujours faire transparaitre une émotion, un sentiment, une réaction d’affect involontaire qui donnera la couleur au ressenti.


C’est bien ce qui nous différentie des machines, et c’est une excellente chose.


Combien de fois j’ai vu passer des emails dont l’expéditeur cherchait à être le plus neutre possible, à écrire comme une machine, comme un robot, pour donner un côté plus officiel à son propos.


Dernièrement encore, j’ai reçu un email d’une personne avec laquelle j'avais été en contact pendant plusieurs années, et avec qui j’avais déjeuné quelques semaines auparavant, et qui m’envoie un email commençant par « Cher Monsieur Vanderbeke … »
C’est totalement ridicule, et même absurde. C'est un signe fort de rejet social.


Nous ne sommes pas des machines, et nous faire passer pour tel rend notre relation insupportable, et donc conflictuelle.
Mais cela nous donne l’impression que nous sommes protégés, que nous restons dans notre rôle.


Alors, comment faire ?


Il y a, à mon sens, deux possibilités :


Faire en sorte que ce soit un système automatisé qui fournisse le feedback.
Distinguer clairement l’aspect « performance » de l’aspect « relationnel » du message.


Je vous montrerai que la première solution est loin d’être agressive ou dégradante. Bien au contraire, l’intégration de la machine est ici un élément qui peut s’avérer (et qui s’avère déjà) très efficace et même efficient.


Quoi qu’il en soit, il est important que la distinction entre le feedback et la reconnaissance soit clairement définie, exprimée et reconnue par toutes les parties en présence.
Sans cela, les affects viendront interférer sur la valeur des résultats et sur l’interprétation à en faire.


C’est pour cela que j’ai imaginé une règle pour les signes de reconnaissance et une règle pour les feed-backs.


Un signe de reconnaissance (SdR) doit être « ap-pro-pos »


Je ne vais pas m’étendre sur cette règle car elle risque de rallonger inutilement cet article, mais pour résumer :


Ap — approprié : il faut que le SdR soit en lien avec un fait ou une action qui a été réalisée par la personne. Si le SdR est donné sans raison, il perd de sa substance et risque de dévaloriser tous les SdR suivants.

Pro — proportionné : il faut que le SdR soit à la hauteur de l’acte, mais sans le dépasser. Un simple « merci » en privé pour un bon de commande de 1M€ est clairement sous-estimé, et un applaudissement public pour avoir éteint les lumière en sortant est peut-être un peu sur-évalué. 
Attention tout de même, cette évaluation est très subjective, et est donc sujette à l’évaluation de la personne concernée. Il n’est pas inutile d’en connaître son avis à priori.

Pos — positif : il n’y a pas beaucoup d’intérêt à envisager des SdR négatifs. Le SdR a pour objet d’augmenter le sentiment d’appartenance. S’il fallait imaginer un SdR négatif, ce ne serait pas une reconnaissance d’appartenance. Et on se retrouverait vite dans une cours d’école.


Voilà donc en bref, la règle de l’ap-pro-pos que j’ai concoctée pour les signes de reconnaissance.


La règle des trois F du feedback


Dans le même esprit, j’ai imaginé une règle pour améliorer la qualité des feed-backs.


Et j’ai eu de la chance, puisque cette règle compte justement trois F, et qu’elle peut en plus, être facilement traduite en anglais.
 

  1. Factuel
     
  2. Fiable
     
  3. Fréquent
     

C’est aussi simple que cela.


Factuel


Comme nous l’avons vu, il faut que le FB soit en lien avec les faits, les actions et les résultats. Il est important, et même indispensable, que ce FB soit distinct de l’affect et de l’émotionnel.


Je ne vais pas m’étendre plus. J’ai déjà détaillé le sujet de long en large.
Je rajouterais tout de même le fait que plus un FB est factuel, plus il est possible de l'utiliser dans l'évaluation de la progression de la performance. Il devient alors un outil pratique et pragmatique dans l'atteinte des objectifs visés.


Fiable


Voilà bien un point qui est trop peu considéré.


« Qui es-tu pour me donner un avis ? »
« Quelles sont les peuvent de la qualité de ton feedback ? »
« Comment puis-être certain que ce feedback est correct et utile ? »


Nous touchons ici à la confiance qui doit exister entre celui qui opère et celui qui évalue. C’est la confiance qu’il faut avoir entre celui qui passe l’examen et celui qui la corrige.


Et comme très souvent, le feedback fait partie des compétences du manager, la question de la confiance se pose directement. En quoi mon manager est capable de comprendre la réalité de mon activité ? A-t-il jamais fait ce que je fais, dans les conditions que je subis ? Est-il conscient de ma réalité ? Qu’a-t-il fait pour en prendre connaissance ?


L’évaluation régulière des collaborateurs est importante. 
Et puisqu’elle touche bien souvent à certaines primes ou augmentation de salaire, ces évaluations ont tout intérêt à être traitées comme des feed-backs objectifs, et non comme des signes de reconnaissances subjectifs.


C’est une des raisons pour lesquelles nous considérons (chez MotivAtWork) que ce n’est pas au manager de faire cette évaluation, mais bien à l’équipe elle-même, sous le regard attentif du manager.


Ce sujet serait trop long à développer ici. Dites-moi en commentaire si vous voulez que je développe ce point.


Fréquent


La fréquence du feedback est directement proportionnelle au niveau de stimulation qu’il aura sur celui ou celle qui le reçoit.


Je m’explique.


Si je réalise une action et que je ne reçois le résultat de cette action que trois mois plus tard, je ne serai pas très motivé à relancer cette action. Mon enthousiasme sera certainement assez faible (sauf exceptions, bien entendu !).


Prenons un exemple simple et qui devrait parler à beaucoup de monde : arrêter de fumer et maigrir.


Lorsque j’arrête de fumer, les effets positifs sur mon corps apparaissent assez rapidement, surtout si j’ai quatre étages à monter à pied tous les jours. Ce résultat encourageant va stimuler ma motivation durant les premières semaines, pendant lesquelles j’aurai même envie de me lancer dans une activité sportive.


À l’inverse, un régime alimentaire ne montre ses effets que quelques semaines après le début de l’opération. Et ce sont pourtant ces premières semaines qui sont les plus difficiles pour se passer de chocolat, de féculents, de viande rouge au barbecue. Les légumes, c’est bien, mais avec beaucoup d’huile et de sel !


Après quelques semaines sans tabac, le manque est toujours présent, mais surtout, les effets positifs sont déjà intégrés. Et il ne semble plus rien se passer d’extraordinairement positif. L’hormone de la récompense n’est plus activée. Et on fini par se demander « à quoi bon ». Notre mémoire a déjà effacé les quatre étages à monter avec les courses du vendredi et les 12 bouteilles en plastique de soda.


De manière générale, toutes les activités qui ont un FB rapide et fréquent, sont plus addictives que les autres, car elles activent la sonnette de la récompense (dopamine entre autres) plus souvent que les autres.
 

  • Jeu vidéo
     
  • Sport de courte durée
     
  • La nourriture
     
  • La drogue
     
  • La conduite automobile
     
  • La comédie et le théâtre
     
  • Etc.


Certaines de ces activités demandent de dépasser sa peur. Mais lorsque c’est cette même peur qui enclenche la récompense, alors, la boucle est bouclée.


La fréquence du feedback est très importante car elle joue un jeu prépondérant dans le maintient de l’implication du collaborateur dans son travail.

Note : le niveau de la fréquence n'est pas le même dans toutes les situations. Des études ont montrés que si un rythme soutenu était une bonne chose pour des individus en apprentissage (consciemment incompétent.e), ou en développement de compétences, ce rythme devait être revu à la baisse pour des experts et pour des activités plus intégrées (inconsciemment compétent.e). Car dans ce second cas, le FB peut s'apparenter à de l'évaluation permanente, et donc à une forme de contrôle.


Conclusion


Le signe de reconnaissance peut être considéré comme un feedback puisqu’il nourrit le besoin d’appartenance et donc motive le receveur à poursuivre ou adapter son comportement.


Mais ce lien étant fait, il est préférable de bien distinguer les signes de reconnaissances émotionnels et affectifs, aux feed-backs objectifs et factuels.


Et c’est là que l’usage de la machine ou du software peut s’avérer très intéressant.


Prenons par exemple Google Analytics. C’est un outils de feedback parfait. Il nous donne une information qui va nous permettre d’adapter notre stratégie de communication.
Une balance pèse-personne est aussi un excellent outil de FB.
C’est bien pour cela que les montres connectées ont autant de succès. Elles nous donnent une information qui va nourrir notre motivation.

Et comme beaucoup d’objets connectés, ce sont des outils de stimulation.

Ils répondent à notre besoin de maitrise, si bien défendu par Daniel Pink 12, et à notre besoin de contrôle modélisé par Susan Fiske 13


Le feedback est un levier important de notre implication et de notre engagement. Il donne du sens à nos actions. Il développe notre sentiment d’utilité et notre autonomie.


Cela me fait d’ailleurs penser que je dois absolument répondre au SMS que m’a envoyé ma chère maman. Si je ne lui réponds pas dans les 10 minutes, elle m’appelle, m’envoi un email et me contact via Messenger.


À bientôt !