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La performance

Pour une entreprise, la raison du travail est de produire de la valeur. On peut ainsi mesurer la performance des employés individuellement, et mesurer la performance de l’entreprise tout entière.

Pour la performance globale, Issor Zineb conclu que :

En bref, la performance est un concept complexe et multidimensionnel qui intègre différentes dimensions pour la définir et différents indicateurs de mesure car elle reste une affaire de perception et tous les acteurs n’ont pas la même perception de la performance. Elle est, par ailleurs, relative à la vision de l’entreprise, sa stratégie et ses objectifs. C’est dans ce sens que la performance d’une entreprise peut se mesurer sous différents angles et ne se limite pas uniquement à sa dimension financière. Ainsi pour l’évaluer, il est nécessaire d’effectuer des mesures au niveau de toutes ses dimensions et s’appuyer sur ses facteurs déterminants pour l’améliorer.1

Nous sommes assez proches de la problématique des nations qui se retrouvent de plus en plus à l’étroit avec la seule mesure du produit intérieur brut PIB.

Pour la performance individuelle, c’est un autre problème. Si pendant très longtemps, cette valeur de performance a existé sous forme de productions matérielles : un vêtement, un objet, une peinture, une voiture, depuis la délocalisation des industries vers les pays asiatiques, l'activité professionnelle d’une grande partie des travailleurs européens s’est réorientée vers le secteur tertiaire, vers la production et le maintien de services.

Dans ces conditions, il a fallu changer la définition de la performance. Il ne pouvait plus s’agir de simple productivité, mais bien de l’évaluation d’un travail informel beaucoup plus difficile à décomposer et donc à mesurer. L’origine des forces et des faiblesses est devenue un vrai casse-tête pour les managers qui n’avaient à disposition que des modèles d’évaluation de performance mécanique.

Évaluer le travail, consiste-t-il à juger le résultat d'un travail ou à le mesurer ? Juger, c'est se faire une opinion, un point de vue, un avis, une idée ou une appréciation sur le résultat d'un travail. Mesurer, c'est déterminer la valeur de certaines grandeurs, par comparaison avec une grandeur constante de même espèce prise comme étalon ou unité. Puisque nous ne savons pas mesurer le travail, il nous reste à le juger.2

Pour juger d’un travail, il faut le connaître. Et dans un système en changement perpétuel, plus personne ne peut se targuer d’en savoir suffisamment pour en juger … si ce n’est l’agence conseil qui manœuvre ce changement !

Ces notions de la performance en entreprise ont toutes deux un impact fort sur la motivation des collaborateurs.

Si l’entreprise ne vit que pour le profit, et que cela se confirme par les dividendes qu’elle distribue aux actionnaires, il y a de fortes chances pour que cela nuise à l’engagement des employés.

Et si la performance individuelle n’est évaluée qu’aux résultats de production, sans prise en compte d’une réalité systémique de ce travail, il est évident que les salariés chercheront des stratégies de camouflage et de tromperie pour garantir les KPI.

Pourtant, la question de la performance individuelle est restée focalisée au niveau de la pure productivité. Si des recherches ont été faites sur les facteurs de la performance, bien peu ont été réalisées sur la définition de son contenu.

Pour évaluer la performance, il faut évaluer le contenu de l’effort fourni. Mais il faut aussi évaluer les influences de l’environnement. Cet environnement qui est de plus en plus VUCA3, qu’il soit économique, social ou politique.


Dans les années ‘90, Campbell a proposé de définir la performance sous 8 dimensions :

  1. Les compétences dans les tâches spécifiques à l’emploi
  2. Les compétences dans les tâches non spécifiques à l’emploi
  3. La communication écrite et orale
  4. Les efforts au travail
  5. Le maintien d’une discipline personnelle
  6. La facilitation de la performance de l’équipe et des collègues
  7. Superviser
  8. Manager et administrer

Il s’agissait d’un premier pas vers une compréhension de la réalité du travail comme activité sous influence et sous contraintes autres que celles qui lui sont implicites.

En 2003, Motowidlo approfondit le sujet en considérant que la performance est le résultat d’un ensemble d’activités, et ne peut être réduite à la description de poste.

La performance au travail est définie comme la valeur totale attendue par l’organisation des épisodes de comportements discrets qu’exerce un individu pendant une période de temps donnée4

Cette définition a l’avantage de considérer que la performance doit s’intéresser avant tout aux efforts (labeur) qui sont engagés par l’individu, et non pas uniquement sur le résultat produit.

En effet, si l’on assimile la performance seulement aux résultats de l’individu, on prend le risque d’ignorer les facteurs contextuels qui aident ou freinent l’individu dans la réalisation de son travail (disponibilité et qualité des équipements, décisions stratégiques et opérationnelles hors de contrôle de la personne, situation du marché).5

Pour un individu, la performance pourra donc être distinguée en deux catégories :

  1. la performance dans la tâche qui concerne l’ensemble des activités de travail qui sont traditionnellement décrites dans les classifications ou les référentiels d’emplois et de compétences.
  2. la performance contextuelle qui évalue l’individu dans ses comportements qui contribuent à l’efficacité de l’organisation par leurs effets sur le contexte psychologique, social et organisationnel du travail.

En 2003, Mitchell et Daniels proposent un modèle général de la motivation au travail qui conduit à la performance.6

Dans la réalisation des performances, ils relèvent les facteurs qui interagissent avec la motivation :

  • l’environnement physique dans lequel est exercé le travail,
  • la définition ou la conception des tâches dans l’emploi occupé (qui sous-tend les problèmes de conflit et d’ambiguïté de rôles),
  • les récompenses et les systèmes de renforcement,
  • les normes sociales qui prévalent dans l’équipe de travail et l’organisation, et plus largement, la culture organisationnelle.

Suivant ces différentes considérations, je vous propose cette définition de la performance, ou plutôt, une formule symbolique des ingrédients de la performance :

$$ Performance = \frac{Competences * Mobilisation * Contexte^{interne}_{externe}}{Valeur de Reference}  $$

  1. En premier lieu, il y a les compétences. Elles ont tout naturellement un effet sur la performance dans la tâche et aussi un effet important sur la motivation.
  2. La mobilisation est un point que nous détaillerons plus tard. Disons simplement que la mobilisation représente la mise en action de la motivation.
  3. Le contexte définit l’ensemble des événements, des comportements, des avantages et des complications qui viennent influencer la qualité du résultat du travail. Il provient de deux sources :
    1. le contexte interne à l’entreprise : ambiance de travail, qualité du matériel, etc.
    2. le contexte externe : concurrence, contexte politique, vie privée, etc.
  4. La valeur de référence est l’élément face auquel il est possible de comparer (de juger) la performance. Généralement, cette référence inclut une quantité, une qualité et un délai de production. Mais il peut aussi être issu d’une expérience similaire qui précède celle-ci.

Les études sur la performance comme résultat multidimensionnel incluant l’individu et son environnement, sont encore relativement récentes. Mais surtout, elles s’appliquent d’abord et avant tout à l’individu lui-même.

Les études sur la performance d’équipe sont beaucoup plus rares, et il n’en existe aucune qui intègre l’ensemble des données disponibles. Il existe encore de nombreux champs d’investigations à découvrir pour définir les facteurs de performance d’une équipe.

Il y a tout de même une tendance qui pointe les aspects de routinisation qui se créent au sein des équipes et qui tendent à influencer leur performance.

Ces routines se créent sur trois niveaux complémentaires7 :

  • les routines comportementales qui augmentent la vitesse d’exécution ;
  • les routines cognitives qui aident à agir plus vite dans des situations connues ;
  • les routines sociales qui facilitent les interactions entre les membres de l’équipe.

Cette routinisation a aussi des effets indésirables qui peuvent survenir lorsque l’équipe est laissée sans contre-mesure :

  • normalisation
  • paresse sociale
  • soumission à l’autorité

Une autre approche de la performance des groupes s’intéresse à son organisation, à sa structure interpersonnelle.

On remarque que, si le groupe est de petite taille, il est plus efficace de proposer une topologie en maillage, permettant à chacun d’échanger avec un autre par un lien direct.

Mais si le groupe s’élargit, il sera plus efficient d’envisager une topologie par nœuds (nodal) ou par SPOC (Single Point Of Contact) permettant de simplifier l’obtention d’information.

Cette approche structurelle de l’organisation des équipes a une grande influence sur la productivité, mais aussi sur la communication, la créativité et l’innovation d’une entreprise.

C’est l’idée qui est défendue par Melvin Conway dès 1967 :

Les organisations qui conçoivent des systèmes [...] tendent inévitablement à produire des designs qui sont des copies de la structure de communication de leur organisation.8

À ce jour, il n’existe pas de modèle intégratif et scientifique de la performance des groupes et des équipes en entreprise.

L’erreur courante est de se tourner vers le monde du sport pour lequel de nombreux entraîneurs proposent leurs visions applicables au monde de l’entreprise. Le monde militaire et paramilitaire propose lui aussi une vision de l’optimisation des forces au sein d’une équipe.

Tous ces modèles répondent à des contextes de production qui n’ont pas grand-chose à voir avec la réalité de l’entreprise. Pour un employé, il y a peu de chance qu’il rencontre un adversaire, une équipe concurrente ou un ennemi dans le cadre de son travail. Et même s’il existe des tensions au sein d’un département, ce n’est certainement pas avec des méthodes d’affrontement qu’elles seront apaisées.

Une compétition est limitée dans le temps et dans l’espace, en lien avec des coéquipiers parfaitement identifiés, et surtout, avec des règles très strictes. Dans le monde du travail, la durée est souvent inconnue, les règles sont molles et peuvent être contournées ou détournées, et les coéquipiers sont changeants et pas toujours identifiés.

Les trente-six stratagèmes de Tan Daoqi ou l’art de la guerre de Sun Wu ne sont certainement pas les bonnes références pour une stratégie de motivation en entreprise.

Ce qui réunit pourtant ces trois contextes (l’entreprise, le sport et la guerre), c’est le challenge, une forte stimulation dopamine qui fortifie les liens entre les participants. Sur ce point, il est vrai que l’adversité a des effets révélateurs sur la cohésion et l’esprit d’équipe dans un groupe de travail.

Mais ce type d’expérience extrême doit être envisagé avec intelligence. Mettre une équipe dans une situation d’urgence pour le simple fait de vouloir augmenter sa cohésion, comme c’est le cas dans certains team-buildings, peut créer un effet de rejet de la part de certains talents dont le tempérament n’a aucune appétence pour le stress et la tension sociale.

Il ne faut pas oublier que le sportif a choisi de vivre la compétition, que le militaire a accepté l’idée de la guerre. Un employé ne s’est pas engagé dans une aventure de lutte et de combat. Et croire que cette capacité est inhérente à sa profession est, à mon sens, une grave erreur de management.